Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Grégory Baudouin

Grégory Baudouin

Patriote et Républicain, ancien membre des Troupes Aéroportées, Président-Fondateur du Cercle Jean Moulin, mes références sont Jean Pierre Chevènement, Jean Moulin et le Général de Gaulle


Lettre n°34 : Général de Gaulle, Israël et les juifs

Publié par via le Cercle Jean Moulin sur 11 Novembre 2021, 21:51pm

Catégories : #Général de Gaulle

 
 
MARDI 16 NOVEMBRE 2021
SOIRÉE DE RÉFLEXION "DE GAULLE, ISRAËL
ET LES JUIFS"
Le mardi 16 novembre prochain, la Fondation Charles de Gaulle co-organisera avec le Musée d'art et d’histoire du Judaïsme, un colloque sur le thème « De Gaulle, Israël et les Juifs ».
🏷 Programme et billetterie
 
Parfois, quelques mots frappent les esprits, au point de masquer une réalité plus dense, plus riche, plus complexe. Partons de ces quelques mots du général de Gaulle, qui, le 27 novembre 1967, qualifie le peuple juif de « peuple d’élite, sûr de lui et dominateur ». L’expression mobilise les imaginations, suscite des réactions, parfois indignées, parfois plus nuancées. L’année suivante, Raymond Aron dit avec énergie sa totale incompréhension, sa tristesse et son amertume. D’autres personnalités, comme le Grand Rabbin Jacob Kaplan, considèrent après réflexion la polémique comme dénuée de fondements. Quelques années plus tard, René Cassin ne la mentionne pas dans ses mémoires.

Mais revenons à la source, élargissons d’abord notre focale à l’ensemble du texte de la conférence de presse, à sa richesse et à sa complexité : le propos gaullien s’inscrit dans un développement plus large sur l’histoire du peuple juif, sujet sur lequel il a entretenu une correspondance d’une densité inouïe avec David Ben Gourion. Écoutons De Gaulle:
 
« […] L’établissement entre les deux guerres mondiales, car il faut remonter jusque-là, l’établissement d’un foyer sioniste en Palestine, et puis, après la Seconde Guerre mondiale, l’établissement d’un État d’Israël soulevait à l’époque un certain nombre d’appréhensions. On pouvait se demander, en effet, et on se demandait même chez beaucoup de Juifs, si l’implantation d’une communauté sur des terres qui avaient été acquises dans des conditions plus ou moins justifiables, et au milieu de peuples arabes qui lui étaient foncièrement hostiles, n’allait pas entrainer d’incessants, d’interminables frictions et conflits. Certains même redoutaient que les Juifs, jusqu’alors dispersés, mais qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tous temps, c’est-à-dire un peuple d’élite, sûr de lui et dominateur, n’en viennent, une fois rassemblés sur le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles.

Cependant, en dépit du flot, tantôt montant, tantôt descendant, des malveillances qu’ils suscitaient dans certains pays et à certaines époques, un capital considérable d’intérêt, et même de sympathie s’était accumulé en leur faveur, surtout, il faut bien le dire, dans la chrétienté ; un capital qui était issu de l’immense souvenir du Testament, nourri par toutes les sources d’une magnifique liturgie, entretenue par la commisération qu’inspirait leur antique malheur, et que poétisait chez nous la légende du Juif errant, accrue par les abominables persécutions qu’ils avaient subies pendant la Deuxième Guerre mondiale et grossi, depuis qu’ils avaient retrouvé une patrie, par leurs travaux constructifs et le courage de leurs soldats […] ».

 
On saisira d’abord le ton du Général, sa manière d’aborder la destinée du peuple juif au grand vent de l’histoire, l’inscrivant dans une légende millénaire qui éclaire la fondation de l’État d’Israël. C’est en ces termes, à cette hauteur, que De Gaulle évoque l’État d’Israël dans sa correspondance avec David Ben Gourion, cet autre géant du XXe siècle. Mais surtout, ces lignes, prises dans leur intégralité, montrent sa perception claire de la spécificité du peuple hébreu, de sa destinée qui ne peut, à l’évidence, se trouver enfermée dans le seul contexte de l’année 1967 et de la Guerre des Six-Jours.

Précisément, élargissons une seconde fois notre regard, cette fois-ci à l’histoire de cette relation entre De Gaulle et le « peuple juif », donc à tout ce que nous empêcherait de voir et de comprendre la seule année 1967. On découvre alors un continent, un peu oublié, mais qui n’en est pas moins vivant et d’une rare richesse, que nous nous proposons aujourd’hui de ré-explorer. A-t-on vraiment soupesé l’influence de Charles Péguy, contrebalançant chez De Gaulle celle de Barrès ? Se souvient-on que le seul maître à penser que De Gaulle se reconnût jamais fut Émile Mayer, intellectuel militaire, juif, visionnaire et iconoclaste, dont la carrière avait été brisée par l’Affaire Dreyfus ? Se souvient-on assez de figures comme Cassin, Bingen, parmi bien d’autres ? Se réfère-t-on encore à la « révolte de la conscience française » dont De Gaulle se fit le chef face à l’horreur nazie? Ne sous-estime-t-on pas la part première de l’abolition de toutes les discriminations comme pilier du rétablissement et de la refondation de la République (Décrets Crémieux) ? Pense-t-on à la sensibilité du Général à la culture juive, pour laquelle André Malraux joua un rôle de passeur ?

Cette énumération pourrait ainsi se prolonger, mais il nous semble important d’insister sur le lien précoce, fécond entre le mouvement sioniste et les premiers Français Libres, dès l’été 1940, en Syrie. C’est à cette occasion que De Gaulle découvre la cause sioniste, et qu’il apporte plus tard son plein soutien à la création de l’État d’Israël, assurant l’Ambassadeur Tsur, visiteur fréquent de la rue de Solférino, qu’il s’agit d’un « fait accompli », terme qu’il reprend en novembre 1967. Ce soutien n’exclut pas des critiques ou « avis de modération », des mises en garde également, mais il colore la relation bilatérale quand, en 1958, De Gaulle retrouve le chemin du pouvoir : nulle inconditionnalité, il n’y en eut jamais pour la France du Général à l’égard d’aucune nation, mais une bienveillance et une compréhension, peut-être déçues en 1967, mais pas nécessairement remises en cause pour autant. Cette date de 1967 est-elle finalement le moment charnière dans la prise de distance entre la France et Israël, ou bien ce moment n’est-il pas plus tardif, postérieur à la présidence gaullienne ? Nous laissons aux archives le soin de nous éclairer sur ce point.

Cette réflexion doit être, à notre sens ouverte.

Ces questions, il nous revient de les poser, cela est même nécessaire. Mais ce n’est pas à nous d’y répondre : aux historiens de travailler, aux archives de parler, lesquelles savent mieux que quiconque fissurer les mythes et les malentendus. C’est pourquoi la Fondation Charles de Gaulle a pris l’initiative de se tourner vers les universitaires français et israéliens pour faire converger leurs regards, dans le cadre d’une réflexion de long cours. Un premier jalon sera posé le 16 novembre prochain, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, notre partenaire dans ce cheminement, que nous tenons à remercier.
 
Hervé Gaymard
Président de la Fondation Charles de Gaulle

Arnaud Teyssier
Président du Conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle
 
Fondation Charles de Gaulle
5 rue de Solférino
75007 Paris
© 2021 – Tous droits réservés
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents