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Grégory Baudouin

Grégory Baudouin

Patriote et Républicain, ancien membre des Troupes Aéroportées, Président-Fondateur du Cercle Jean Moulin, mes références sont Jean Pierre Chevènement, Jean Moulin et le Général de Gaulle


Fondation Charles de Gaulle : demain la Ve République ?

Publié par via le Cercle Jean Moulin sur 15 Avril 2022, 13:50pm

Catégories : #Ve République, #Général de Gaulle, #Fondation

Comme on pouvait s’y attendre, les diagnostics, nombreux et variés, sur la "fragmentation" de la société française en "blocs" qui seraient de plus en plus étrangers ou hostiles les uns aux autres, ont abondé au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. Et comme d’usage, conformément à la vieille passion française pour le meccano institutionnel, le procès de la Ve République a été à nouveau ouvert : elle ne représenterait plus la diversité du peuple ni la variété de ses aspirations, elle perpétuerait même une "verticalité" d’un autre âge, elle condamnerait enfin, par l’effet du système majoritaire, une partie de la société au silence, pour cinq années. On serait tenté de répondre frontalement à ces critiques : finalement, nos institutions ne sont-elles pas précisément le corset qui permet à ce grand corps malade qu’est la société française de tenir encore debout, face aux difficultés, et d’exprimer une volonté collective dans un environnement économique, géostratégique – et sanitaire – plus que jamais fragilisé ? Et doit-on répondre à la fragmentation présumée de la société par une autre fragmentation, qui serait celle de nos institutions ?

Mais laissons ce débat, d’ordre politique, et revenons aux prémisses, qui tiennent peut-être à une incompréhension de la Ve République, de son histoire, de ses fondements explicites et implicites. Car – et c’est là tout le paradoxe –, c’est en revenant à de Gaulle que l’on peut dissiper bien des brumes. Tel est l’objet de l’ouvrage collectif récemment publié sous l’égide de la Fondation, Demain la Ve République ?, dont le propos originel était bien d’identifier les « compromis implicites », de retrouver les grands équilibres que le régime de 1958 permet.

Rappeler, tout d’abord, que la constitution de 1958 est un texte de synthèse, qui intègre même la volonté des hommes de la IVe République finissante de sortir des excès du parlementarisme et de l’absence de décision découlant du scrutin proportionnel. Ce n’est pas de Gaulle qui voulut du symbolique article 49.3, aujourd’hui dénoncé comme un artifice permettant d’abuser la volonté des majorités : mais bien Guy Mollet, alors secrétaire général de la SFIO, dont le gouvernement de 1956 avait été empêché d’agir par les divisions et les fragilités de sa majorité parlementaire, présentes chaque semaine à la table du conseil des ministres. La Ve République est aussi, bien sûr, le fruit de la volonté d’une génération écœurée par l’immobilisme mortifère auquel le pays avait été condamné par des institutions inadaptées.

Rappeler ensuite que la Ve a voulu réconcilier des traditions institutionnelles historiquement concurrentes – du parlementarisme absolu jusqu’à la tradition monarchique que la IIIe République de 1875 avait réincarnée dans la figure présidentielle. Cette quête délicate d’un équilibre, patiemment construit, dure, en dépit des aléas et vicissitudes, depuis bientôt 65 ans : il serait sage de s’en souvenir avant de vouloir déchirer la page.

Enfin, la notion de "verticalité" ne résiste pas à un examen véritable de la pratique gaullienne des institutions. Le Président, élu par les Français, se doit d’être au-dessus des partis : homme de rassemblement, il est aussi homme de décision. Pourtant, son rôle n’est pas de décider de tout, ni de statuer sur chaque dossier. Pour de Gaulle, le chef de l’État est l’homme des décisions stratégiques, ou des décisions rapides en période de crise. Mais il ne faut pas limiter sa vision à cet aspect : la logique est plus riche et vivante. D’abord parce que la Ve République, née de la guerre d’Algérie, a été conçue pour pratiquer efficacement l’interministériel, ce qui était impossible sous la IVe République. Ce sont de conseils interministériels que sont sorties des décisions stratégiques, comme la création du CNES, ou plus tard l’ébauche du programme électronucléaire, autant de décisions sur lesquelles notre pays vit encore aujourd’hui. Ensuite, parce que ce système reposait sur une entente profonde entre le pouvoir politique et l’administration – une administration mise en ordre de marche, mais aussi écoutée, consultée, confortée. Le régime de la Ve République, ce n’est pas seulement une constitution politique. C’est encore une constitution administrative, c’est enfin une constitution sociale. Une somme de compromis, implicites ou explicites, qui définissent, ou confortent autant de « tuteurs » invisibles pour notre République.

Ce qui unit l’ensemble, dans une démarche pour le coup pleinement gaullienne, c’est la logique du choix. Aux Français de choisir clairement et fortement la direction qu’ils souhaitent prendre, par l’usage du scrutin majoritaire aux élections législatives, puis, à partir de 1962, par l’élection du Président de la République au suffrage universel ; mais aussi par le recours au référendum. La Ve République, telle qu’elle a été conçue, ne craint pas le jugement du peuple français. Mais à ceux que les Français ont choisis, elle entend laisser la capacité de décider, s’ils en ont la volonté, la vision et le courage, aussi bien en temps de crise, que pour les choix stratégiques de longue durée.

C’est cette logique profonde de la Ve République, source de notre maturité démocratique si chèrement acquise, qu’il faut veiller à faire vivre ou à revitaliser : Demain la Ve République? apporte à cet égard quelques vues très neuves, bien éloignées de toute nostalgie réductrice ou desséchante. Du reste, ce n’était pas un appel à l’immobilisme, mais plutôt à la fermeté et à la constance dans l’accomplissement d’un vaste dessein collectif que de Gaulle appelait dès le 4 septembre 1958 : "Ce qui, pour les pouvoirs publics, est désormais primordial, c’est leur continuité et leur efficacité. Nous vivons en un temps où des forces gigantesques sont en train de transformer le monde. Sous peine de devenir un peuple périmé et dédaigné, il nous faut dans les domaines scientifique, économique et social évoluer rapidement. D’ailleurs, à cet impératif répondent le goût du progrès et la passion des réussites techniques qui se font jour parmi les Français, et d’abord dans notre jeunesse. Il y a là des faits qui dominent notre existence nationale et doivent par conséquent commander nos institutions".

Arnaud Teyssier
Président du Conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle
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